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Transmission managériale d'une entreprise industrielle - Témoignage de Céline GRIS

20/05/2019

Créé en 1984 par Francis GRIS, le Groupe GRIS est un sous-traitant automobile spécialisé dans la fabrication de rondelles et de pièces techniques découpées. Leader européen sur son marché, exportant 60% de ses produits, l’entreprise s’adresse à tous les grands groupes automobiles.

1.       La force et la réputation de GRIS Group se sont notamment construites grâce à des innovations de procédés et des investissements conséquents en R&D. Comment faites-vous pour maintenir cet avantage concurrentiel ?

La culture de notre Groupe repose sur le progrès continu. Sur les 7 dernières années, nous avons d’ailleurs réinvesti chaque année un minimum de 15% de notre chiffre d’affaires. Cette politique nous permet de maintenir un avantage sur nos concurrents, avec comme ligne de mire la recherche du « zéro défaut ». Cela se traduit par l’octroi de ressources réelles aux procédés, comme par exemple la modernisation des outils et du parc machine pour répondre au mieux aux demandes de nos clients, et porte également sur l’organisation, qu’elle soit managériale ou opérationnelle.

Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs du secteur automobile sont poussés par de hauts niveaux d’attentes en termes de qualité. Les exigences et la pression sur les prix s’étant accrues au cours des 10 dernières années, nous accordons également beaucoup d’importance à la gestion de nos relations avec les bureaux d’études de nos clients, en faisant preuve d’une réactivité et d’une flexibilité optimales. L’enjeu est désormais de se structurer davantage, pour nous permettre de passer de la belle PME familiale à l’ETI, tout en maintenant notre croissance.

2.       Qu’est-ce que cela implique de travailler au quotidien avec votre père ? Comment s’organise la transition managériale ?

Je suis rentrée dans l’entreprise familiale il y a 12 ans en tant que responsable communication. Ce fut une décision mûrement réfléchie. J’ai pris la direction générale du Groupe il y a maintenant 7 ans et j’ai été nommée présidente le 1er avril dernier. Cette transition progressive et ce travail de collaboration sur le long terme m’ont permis de trouver ma place, en m’appropriant petit à petit des projets opérationnels. Dès mon arrivée, le manque d’information et de données à notre disposition a nécessité une refonte de notre système d’information. C’était un sujet très opérationnel qui m’a permis de voir le fonctionnement de chaque service et de comprendre quelles optimisations et quelles améliorations étaient nécessaires. Ce projet m’a donné une véritable vision transversale du Groupe.

Au fil du temps, mon père s’est concentré davantage sur la partie financière, me laissant la place sur l’opérationnel. La transition s’est essentiellement basée sur une bonne communication. J’ai sensibilisé mon père à un autre type de management, plus participatif et humain, et peut-être moins paternaliste. Nous avons le même système de pensée ce qui simplifie beaucoup nos échanges. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans la dernière phase où la partie stratégique et financière me revient également.

Enfin, du fait de la taille actuelle du groupe, je suis obligée de me reposer sur des personnes de valeur et de confiance, en leur donnant plus d’autonomie et de liberté. Ce principe se décline dans l’ensemble de l’entreprise car je demande également à mes collaborateurs de déléguer de la même manière à leurs équipes afin de mieux répartir la charge de travail. Pour promouvoir le progrès continu, une prise de conscience générale est nécessaire sur le fait que les disfonctionnements ne peuvent être remontés que par le terrain, et par les personnes directement confrontées au problème. J’ai donc souhaité donner la parole à tout le monde afin d’apporter des solutions efficaces et durables.

3.       Comment percevez-vous l’évolution actuelle des mentalités en matière d’entreprenariat féminin, bien qu’encore sous-représenté, notamment dans le domaine de l’industrie ? 

Personnellement, je n’ai pas ressenti de pression ou de plafond de verre lié au fait que je sois une femme. Je n’ai donc jamais éprouvé le besoin de défendre la place des femmes dans l’entreprise. Je suis néanmoins très sollicitée par des réseaux féminins, qui souhaitent que je témoigne de mon expérience.

A vrai dire, la principale problématique à laquelle j’ai été confrontée n’était pas liée à mon statut de femme mais plutôt au fait d’être la fille de mon père, avec tout ce que cela sous-entend en termes de légitimité. Je suis fière aujourd’hui de diriger un groupe industriel et de contribuer à véhiculer une image positive et de réussite pour les femmes, qui peuvent parfois manquer de confiance en elles dans un secteur majoritairement masculin.

Au-delà de l’image, mon rôle au quotidien au sein de mon entreprise est avant tout d’être vigilante à ce qu’il n’y ait pas de problématiques liées à des rémunérations moindres chez les femmes, problème qui perdure encore dans d’autres structures. Personnellement, j’estime que les compétences d’un individu doivent être jugées indépendamment de son genre, et j’ose espérer que les récents débats sur le sujet ont fait évoluer les mentalités. Selon moi, la mixité des équipes au sein de GRIS Group est un réel atout.

4.       Une extension de 3 700 m2 a récemment vu le jour sur votre site de Lesménils.  Quels ont été les enjeux de la réorganisation du site et de la production ?

Par le passé, nous avons connu une forte croissance à un moment où notre outil de production était sous-capacitaire. Ce fut l’effet bénéfique de notre croissance externe avec le rachat de la société KUT en Allemagne (depuis renommée GUT : GRIS Umformtechnik), qui nous a ouvert les portes des constructeurs allemands. Nous avons pu bénéficier de prises de marché très rapides et il devenait donc indispensable d’agrandir notre site de production compte tenu de l’augmentation du volume d’activité.

L’objectif était de profiter de la construction de ce nouveau site pour imaginer une nouvelle façon de travailler. Le bâtiment en lui-même est en quelque sorte la partie visible de l’iceberg, la partie immergée correspondant à la multitude de projets opérationnels auxquels nous avons dû faire face. Nous nous sommes notamment concentrés sur des sujets comme l’approvisionnement ou la gestion de nos flux.

Nous avons réorganisé notre fonctionnement à l’atelier et fait évoluer notre organigramme. Nous avons mis en place des formations en groupes de travail afin d’optimiser l’organisation managériale, ce qui nous a permis de mieux faire accepter les changements et de permettre à l’ensemble des employés de comprendre les tenants et aboutissants de cet investissement immobilier. Nous avons engagé beaucoup de moyens pour mettre en place des innovations de procédés et faire évoluer les systèmes de management, en mettant en place des relais de direction au sein des ateliers. Ce nouvel organigramme est en place depuis décembre 2018 et vient concrétiser la construction de cette extension.

5.       Société Générale Capital Partenaires (SGCP) a réalisé un investissement en 2018. Qu’attendez-vous de cet accompagnement ?

En matière de partenaire financier, il est essentiel d’avoir des interlocuteurs qui comprennent notre métier ainsi que ses enjeux et qui nous font confiance. C’est le cas de Société Générale.

Notre objectif principal étant de pérenniser le groupe, nous apprécions le fait que SGCP apporte un regard neuf sur notre activité par sa vision extérieure. J’attends de cette collaboration d’être challengée mais il me tient également à cœur que lorsque nous nous rencontrons, nous soyons en accord. Le but est de définir ensemble la manière dont doit évoluer GRIS Group. Selon moi, il y a un réel aspect collaboratif dans ce partenariat. Au-delà des enjeux financiers, j’envisage cette coopération comme une véritable aventure humaine.

6.       En 2017, Bruno Lemaire a créé le label French FAB, qui récompense les industriels innovants. Que représente ce label pour vous ?

Il est important que nous prenions conscience du rôle que nous avons à jouer. Nous ne pouvons pas nous contenter de nous plaindre de ne pas pouvoir recruter comme nous l’entendons, ou que la formation n’est pas adaptée aux besoins des entreprises, sans prendre de mesures en parallèle. Nous nous devons de valoriser notre activité, en accueillant par exemple des groupes (scolaires, étudiants, réseaux professionnels…) pour des présentations et visites d'usines.

Il y a encore aujourd’hui un déficit de connaissances des métiers industriels, et je trouve très pertinent que l’on puisse tous se réunir via le Label French Fab. Cela permet de mettre en lumière des sociétés dont l’activité est en croissance tout en injectant du positif au discours ambiant. Nous sommes fiers de ce label et nous souhaitons également mettre en avant la qualité de ce savoir-faire français à l’international.

 

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Directeur d'Investissements Société Générale Capital Partenaires